Daniel GAPIN

J'ai eu l'occasion de rencontrer Daniel Gapin pour un article que je lui ai consacré dans la revue "L'ormée" à laquelle il était abonné. J'ai le souvenir d'un homme chaleureux, sincère dans ses engagements et un artiste authentique. Regrets de ne pas l'avoir davantage connu. Ma solidarité à la famille et aux proches dans cette épreuve. JJC

PORTRAIT
SINCERITE ET HUMANISME, LES  MAITRES MOTS DE DANIEL GAPIN


Pas le bout du monde mais presque… seulement la pointe du Médoc où les amoureux de soleil et de nature se pressent tous les étés. Ils ne s’y retrouveraient pas en ce mois de mai atypique. C’est donc par une matinée bien fraîche et sous un ciel couvert que je me rends à Grayan-L’Hôpital pour rencontrer Daniel Gapin qui vient de renouveler son abonnement à « L’Ormée », accompagnant son chèque d’une remarque quelque peu désabusée sur le quasi désert communiste de la presqu’île et d’une carte précisant son positionnement artistique… ce qui n’est pas si fréquent : plasticien, peintre, sculpteur ! La consultation du site référencé met déjà en appétit (1). Décision est prise d’en savoir un peu plus.


Son chalet en bois occupe une toute petite partie des 350 ha d’Euronat, cet espace réservé aux séjours naturistes. Il tranche d’emblée avec la grisaille du jour. Un coq en céramique, éclatant de vives couleurs, vous attend ; des assiettes de même texture aux reliefs variés ornent la palissade ; des totems flamboyants sont posés alentour. Partout des créations originales, et on se dit qu’abondance de BIEN ne nuit pas ! On comprend vite que Daniel Gapin a trouvé en ce lieu réponse à des aspirations de vie dégagées des contraintes ordinaires… et pourquoi l’essentiel de son activité créatrice est consacrée à la glorification du corps : celui de la femme, celui de l’homme, souvent associés. Quand on l’interroge sur cette omniprésence, il répond d’un humour laconique : « femm’niprésence ! »


Celui qui m’accueille a le regard clair qu’on attendait. Son assurance semble pourtant un peu ébranlée. Cette fragilité nouvelle a son origine dans de récents aléas de vie et me viennent à l’esprit ces vers d’Aragon : « Rien n’est jamais acquis à l’homme… Sa vie est un étrange et douloureux divorce…Il n’y a pas d’amour heureux… » Ces quelques mois qui ont affecté sa santé le laissent incertain. Pourtant de multiples figurines en terre, étalées sur une grande table, qui attendent le passage en four, tout comme d’autres déjà peintes, attestent que l’élan a repris. D’autres points positifs : des pinceaux et des pots de peinture acrylique encombrent un coin de table.


Sans doute pour anticiper des questions convenues sur son parcours, Daniel Gapin me confie une interview qu’un ami proche a fait paraître en 2017 dans Nature magazine. En voici quelques passages qui n’épuisent pas la complexité du personnage.
« Ayant préparé le concours de l’Ecole des arts Appliqués à Paris… J’y fus reçu en 1960 pour en sortir diplômé quatre ans plus tard ».
« A Paris, aux Editions Messidor, appartenant au PCF, j’ai pu développer mes activités créatrices de plasticien … et j’avais rejoint l’union des artistes plasticiens, créée notamment par Picasso ».
« Je reste un chercheur en spiritualité, pèlerin en plusieurs étapes vers Compostelle… Je suis un admirateur de François d’Assise qui se mit à nu en public pour fuir son père et ceux qui voulaient le juger ».
« Je suis toujours militant pour une mise en pratique sociale de l’évangile ce qui a nourri mon engagement avec le PCF… J’ai partagé avec des prêtres ouvriers cette vision d’un Jésus communiste et laîc… » 
« Chrétien, communiste et franc-maçon au Grand Orient de France, je suis de plus en plus porteur d’amour et de partages… »


Après avoir feuilleté quelques albums photos, on part pour le tour du propriétaire. Sur un mur, une de ses mosaïques sur laquelle je flashe : corps nus aux raisins. Sur d’autres, en bonne place, aux côtés de ses productions celles d’amis plasticiens, preuve d’une ouverture à d’autres styles, d’autres sensibilités. Dans l’appentis, un peu en vrac, de nombreuses toiles, parfois d’un érotisme cru qui attendent d’être exposées ou vendues. Une d’entre elles, alliant douceur des formes et pureté des couleurs a l’éclat de la joie et du bonheur : des visages entourent celui du peintre, ceux des personnes aimées. Dans une autre pièce, un crucifix de grande taille cultive l’ambiguïté. Un Jésus sans pagne, tout nu, plutôt rigolard, aux grandes mains ouvertes, que je perçois comme un Christ symbole de vie et non de souffrance tout à fait en accord avec les engagements du sculpteur.


On ne se quittera pas avant qu’il ne m’ait montré les fresques qu’il a peintes sur les murs du centre commercial d’Euronat ni sans être allés contempler les vagues de la marée montante ; l’écume mouvante renvoyant à l’immobilité de silhouettes agiles, dénudées comme il se doit.


Au Musée de la Création franche à Bègles, lieu pourtant dédié à l’Art brut, on ne se rappelle pas l’avoir exposé. Cet espace remarquable est actuellement en rénovation et devrait ouvrir à nouveau ses portes en juillet. Ses responsables seraient bien inspirés de se pencher sur l’œuvre de Daniel Gapin. Elle est en tout point remarquable et n’a rien à envier à d’autres plus médiatisées.




Jean-Jacques CRESPO


(1) www.danielgapin.com